Alexandre Gazaï : l’homme qui se crée sa propre bibliothèque

Le Mystère de la grande pyramide T1, 2013, un succès à la hauteur de l’objet…

La Guerre des 7 fontaines, le 10ème album de Johan et Pirlouit, avec son fameux cachet de cire.

 

J’ai eu à certains moments l’occasion de prendre position à propos de tel ou tel éditeur dit « de patrimoine », sachant qu’il ne suffit pas, à mes yeux, d’avoir envie de rééditer des bandes introuvables en album pour être un bon éditeur.

Prendre position a signifié donner mon avis, la plupart du temps, mais cela a parfois signifié aussi m’accrocher réellement avec un éditeur.
Mon point de vue est simple : Je trouve qu’il vaut mieux laisser des récits aux oubliettes de l’histoire encore quelques temps, les laisser dans tel ou tel journal fort bien imprimé comme Spirou ou Pilote jusqu’au bon moment, plutôt que les éditer dans ce qui ressemble parfois, selon moi, à une injure faite à la grande tradition de l’imprimerie…
Je ne m’étais pas encore réellement formulé cela de cette manière quand j’ai rencontré Alexandre Gazaï pour la première fois, et c’est pourtant bien la très grande qualité, à la hauteur des bandes rééditées, qui me donna envie immédiatement de suivre sa production.
Il venait de faire sortir de son studio Golden Creek l’album « Chlorophylle contre les rats noirs ». Une petite merveille de conception et d’impression, faite avec goût et rigueur, faisant honneur à ce monument de Macherot.
Je lui ai prit ce qu’il a bien voulu me céder, car il plaçait alors avec soin une quantité choisie chez chaque libraire, lui-même, comme on confie ses enfants. De bien beaux enfants -je lui ai dit dès le premier album atterri dans ma librairie- sachant que je n’achetais et n’achète toujours aucun album neuf, hormis les siens puis ceux du grand XXème, qui sont en quelque sorte ses petits-enfants…

le premier titre de la nouvelle collection du Grand Vingtième : l’immense 25ème aventure de Corto Maltese, la plus personnelle pour Pratt…Dispo sur Paris-bd.com

Alexandre Gazaï a aujourd’hui engendré 26 albums au format des planches (rien que pour les Golden Creek), avec une impression noir et blanc d’une très grande qualité, des aplats ahurissants (ce qui est, chaque imprimeur le sait, très difficile), et des bonus très réjouissants, pensés avec goût, ce qui est loin d’être le cas dans la majorité des tirages de tête ou autres tirages limités, bref, pas de fautes de goût.
Son caractère obstiné et parfois sanguin, son amour de la bande dessinée et son talent d’éditeur ont permis l’existence des rééditions de luxe les plus belles du patrimoine BD.

Mais je pense que le point de départ de chaque album peut se réduire à cela : Alexandre se crée sa luxueuse bédéthèque idéale, et il la partage avec ceux qui partagent sont goût immodéré pour des récits de haut vol qui constituent nos fondements affectifs en BD -et ils s’avèrent êtres nombreux- à tel point que les premiers albums, édités à très petit tirage, se vendent à prix d’or.
Voir les albums assimilés Golden Creek Studio dispos sur Paris-bd.com
Ce succès, très mérité selon moi, a toutefois un prix : Alexandre , victime d’un accident vasculaire, s’est trouvé temporairement arrêté dans son élan. Le prix d’un travail acharné en étant présent à toutes les étapes, de la conception à la diffusion, comme les artisans d’antan.
Je suis sûr qu’il nous comblera d’albums toujours plus beaux, mais, espérons-le, en déléguant un peu, ce dont il était grand temps, car sa grande énergie est irremplaçable dans la création des albums tandis que courir les libraires n’est pas un travail inaccessible pour d’autres humains de confiance!
Pour conclure ce petit hommage je dirais la choses suivante : si les héritiers des grands auteurs édités par Alexandre Gazaï ainsi que les collectionneurs sont si enthousiastes, il y a une raison : ces albums sont somptueux, et sont au sommet de ce genre à part dans la bande dessinée qu’est le tirage de luxe. Et de surcroît ils nous permettent une relecture vraiment nouvelle d’albums devenus parfois tellement familiers qu’on oublierait presque de les relire…
Je suis fort impatient de connaître le prochain titre de la série, d’ici-là : chapeau bas à Alexandre Gazaï et son ruisseau doré de pépites.

Les cargos du crépuscule, encore une grande réussite de cet artisan de la Bande dessinée.
L’un des derniers albums tirés à seulement 395 exemplaires, avant le rythme de croisière de 495…

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